Les étapes de réalisation d'une copie : d'Après "The Long Leg", d'Edward Hopper (1935)
- sduhem
- 25 juil.
- 7 min de lecture

Copie de l’oeuvre
Phi-Artiste-Peintre d’après The Long Leg d'Edward Hopper
Technique : Huile sur toile
Dimensions proposées : 50,7 × 76,7 cm
Support : Châssis entoilé, avec encollage à la colle de peau, enduction, couche préparatoire et couches colorées.
Signature : au revers.
Oeuvre originale
The Long Leg (La Longue Traversée) - 1935
Technique : Huile sur toile
Oeuvre signée : "Edward Hopper »
Dimensions : 50,8 × 76,8 cm (20 x 30 1/4 in. )
Musée : Henry E. Huntington Library and Art Gallery, San Marino, Californie ; Gift of Virginia Steele Scott. Non exposée. N° Inv. : 83.8.25
Photographie du Musée
Fiche technique du musée et histoire de l’oeuvre :

Palette choisie
Dossier de restauration ; 2024 - Christina M. O’Connell and Kevin Durkin, « New Conservation discoveries: Edward Hopper’s « The Long Leg », https://www.huntington.org/verso/new-conservation-discoveries-edward-hoppers-long-leg ; New Conservation discoveries: Edward Hopper’s « The Long Leg » Posted on Tue., Jan. 16, 2024
Documentation
Cette oeuvre de Hopper a fait l’objet d’une restauration en 2024. Christina M. O'Connell, conservatrice principale des peintures de Mary Ann et John Sturgeon au Huntington Museum, a réalisé cette intervention (interviewée par K. Durkin). Nous profiterons ici des informations qu’elle donne pour mieux comprendre l’élaboration de cette peinture. En premier lieu le genre et le sujet : une « marine », montrant un voilier navigant près de Long Point Light à Provincetown, dans le Massachusetts, mais surtout la technique développée en 1935 par le peintre.
L’examen de la restauratrice visait le traitement de l’écaillage de la surface. Pour reprendre ses mots : « Les détails des registres de Hopper, l'analyse des matériaux et ses propres observations ont permis d'éclairer l'état de la peinture et de savoir qui, le cas échéant, est à la barre du bateau. » Il a révélé des restaurations antérieures sur un écaillage qui semblait déjà ancien et présent dans plusieurs couches de la peinture ». La restauratrice a utilisé plusieurs techniques comme la lumière rasante, la microscopie en coupe, le prélèvement (sous la forme d’un fragment de peinture bleue). L’analyse a montré qu’Hopper avait superposé huit couches de peinture. Elle s’est tournée vers les archives conservées au Whitney Museum of American Art de New York, faute de documentation conservée au Huntington, notamment vers les fameux registres rédigés par Hopper et sa femme, déjà présentés dans une notice précédente de ce Blog, dédiée à « Nighthawks » (les aspects techniques y sont également développés).
Cette notice est traduite en français dans l’ouvrage « Edward Hopper, de l’oeuvre au croquis », de A. D. Weinberg, D. Lyons, B. O’Doherty ( Ed. Originale 2012, Ed. GéoArt, Le Musée idéal, Réed en français 2022, p. 52-53), en voici la transcription :
« 1935. The Long Leg [Ville de Provincetown au loin]. Nov.21,’35. Mer bleu sombre, parcourue de longues diagonales (with long diagonal design/pattern made by strips of light ) représentées par des bandes de lumière (surface de l’eau restant insensible aux assauts du vent assombrissant le reste de la mer). Voilier blanc navigant dans le vent. (Soleil à gauche, au fond, non représenté ici). Lumière touchant à l’oblique le côté gauche des voiles, ou bien, bateau dans l’ombre. Voiles fortement tendues, dures comme du marbre, animées par une petite brise. Cabine en acajou. Langue de sable parfaitement visible à l’arrière, sable blond, herbe verte, phare blanc partiellement dans l’ombre. Ciel bleu clair de début de journée, sans nuages. Blanc de zinc, couleurs Rembrandt, huile de pavot. [1200 1/3 7 et 9 1937].
L’emploi de blanc de zinc, fréquent chez Hopper comme nous l’avons déjà vu, serait à l’origine de l’écaillage mentionné : « Au cours des dernières décennies, les restaurateurs et les scientifiques spécialisés dans la conservation ont étudié la façon dont les pigments et les liants à base d'huile peuvent interagir pour former des savons métalliques dans la peinture. Depuis, nous avons effectué des analyses scientifiques approfondies […] et nous avons des preuves de la présence de savons de zinc sur The Long Leg ».
Christina M. O’Connell met également en évidence la présence d’un homme à la barre (photo ci-dessus).
« Hopper a utilisé quelques coups de pinceau pour définir un personnage portant une chemise bleu foncé et un pantalon blanc. Je pense que cette figure a pu être négligée dans le passé parce que nous ne nous attendons pas à ce que Hopper peigne des figures d'une manière aussi abstraite et gestuelle. Mais si l'on considère l'ampleur des manœuvres nécessaires pour naviguer sur un bateau par vent fort, il est logique que quelqu'un soit à la barre. J'ai trouvé d'autres exemples où Hopper a utilisé quelques marques pour définir la forme d'une personne, notamment Study for Yawl Riding a Swell de 1935 [l'année où Hopper a terminé The Long Leg] dans la collection du Whitney. Dans cette esquisse, le petit personnage sur le bateau à l'arrière-plan est dessiné dans une pose similaire à celle du personnage dans The Long Leg.[…] Et lorsque The Long Leg reviendra à la galerie d'art [estimée au printemps 2024], les visiteurs pourront voir le marin de leurs propres yeux".
L’atmosphère particulière du tableau est suggérée dans ce résumé extrait d’un site de vente de copies de la peinture (https://customprints.huntington.org/detail/479335/hopper-the-long-leg-1935). On y retrouve les commentaires habituels sur le peintre :
« Les peintures d'Edward Hopper sont caractérisées par l'isolement, la mélancolie et la solitude. he Long Leg représente un voilier près du Long Point Light à Provincetown, Massachusetts, vers trois heures de l'après-midi. Le bateau navigue contre le vent dans une série de virements courts et longs en zigzag. Bien que le tableau représente une scène de loisir, aucune personne n'est visible sur le bateau ou dans le paysage. L'observation précise de la lumière et du comportement du bateau rattache Hopper à la tradition du réalisme américain, mais la composition austère et réductrice et l'atmosphère d'isolement reflètent l'esprit abstrait et impersonnel du modernisme.
Hopper aimait peindre la mer et les voiliers : « il a peint la majorité de ses paysages marins purs entre 1916 et 1919 sur l'île de Monhegan. The Long Leg (1935) de Hopper est un tableau de navigation presque entièrement bleu avec les éléments les plus simples, tandis que Ground Swell (1939) est plus complexe et dépeint un groupe de jeunes en train de naviguer ». En effet, le thème y est renouvelé. L’oeuvre, que l’on peut traduire par « Lame de fond », se trouve à la Corcoran Gallery of Art, Washington, Fonds William A. Clark. Les archives conservées précisent qu’il utilisa pour cette dernière de la « toile Winton, des couleurs Blockx et Winsor & Newton, de l’huile de lin et du blanc de plomb, cette fois. Et que la peinture fut exécutée en 1 mois, dans l’atelier de South Truro», à l’intérieur de sa résidence d’été. La bibliographie nous apprend qu’Hopper, comme beaucoup d'artistes new-yorkais de sa génération, cherchait à se reposer de l'été en ville en se rendant sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre.
Le travail du copiste
Comme dans la précédente copie de Hopper (Cf. Blog, notice Nighthawks), le travail de préparation s’est concentré sur le châssis, la pose de la toile, l’encollage, les sous-couches et le dessin, beaucoup plus aisé à faire que dans le cas précédent. La mise au carreau, assez serrée, aurait pu s’accommoder d’une grille plus large.

Les reproductions de l’oeuvre qui circulent sur le net montrent une palette de bleus extrêmement divers. Pour réaliser cette copie, je me suis donc appuyée sur la reproduction en haute résolution du Huntington, qui tire légèrement sur le violet (https://emuseum.huntington.org/objects/5156/the-long-leg ) mais surtout sur les photos de la restauratrice qui présentent en gros plan un bleu beaucoup plus soutenu (https://www.huntington.org/verso/new-conservation-discoveries-edward-hoppers-long-leg). C’est ce dernier parti que j’ai choisi de restituer.
En m’appuyant sur les agrandissements du musée, j’ai cru discerner une sous-couche grise. J’ai donc opté pour cette couleur, sur laquelle j’ai reproduit la mise au carreau. Seule une observation in-situ aurait permis de le confirmer.

Très tôt, j’ai décelé un problème lié à la toile de lin utilisée, trop tendue sur le châssis. Après l’encollage et l’enduction, deux zones de tension sont apparues (en haut à droite, visible sur la photo, et au milieu vers la gauche).

L’article de la restauratrice permet de voir de très près le travail par touches de Hopper, encore très inspiré des impressionnistes dans ces années-là. Un travail qui se distingue nettement d’une oeuvre comme Nighthawks, par son traitement.

Bibliographie indicative
1995 • G. Levin, Edward Hopper: an intimate biography, New York, 1995.
2004 • Richard R. Brettell, Eric Darragon , Edward Hopper, Les Années parisiennes,
1906-1910, 2004.
2006 • Staying Up Much Too Late: Edward Hopper's Nighthawks And the Dark Side of the
American Psyche. Theisen, Gordon and Edward Hopper: Edité par Thomas Dunne
Books, 2006
2012• Rolf Gunter Renner, Edward Hopper, 1882-1967, Transformation of the Real, 2015
2015 • Gerry Souter, Edward Hopper, Lumière et obscurité, Ed. Parkstone international,• Louis Shadwick, « The origins of Edward’s Hopper early oil painting », Burlington
Magazine, 162, October 2020
2019 • Anthony Miglieri, Night windows: portraits of loneliness in the frames of Edward Hopper and Film noir, Mémoire universitaire, Ball State University., Muncie, Indiana, 2019.
2020 • Erika Doss (Auteur), David Lubin (Auteur), Katharina Rüppell (Auteur), Ulf Küster (dir.), Edward Hopper: A Fresh Look At Landscape, Fondation Beyeler Riehen / Basel, 2020.
2022 • Kim CONATY et alii, Edward Hopper’s New York, Exhibition Schedule: Whitney Museum of American Art, New York (October 19, 2022–March 5, 2023), Yale Univ. Press, 2022.
2022 • LYONS Deborah, O’DOHERTY Brian, Edward Hopper, de l’oeuvre au croquis,
Traducteurs : Caroline Guilleminot, Caroline Guilleminot (traductrice).), Zahia Hafs, Ed
Prisma, Paris, 2022.
2024 • Christina M. O’Connell and Kevin Durkin, « New Conservation discoveries: Edward Hopper’s « The Long Leg », https://www.huntington.org/verso/new-conservation-discoveries-edward-hoppers-long-leg ; New Conservation discoveries: Edward Hopper’s « The Long Leg » Posted on Tue., Jan. 16, 2024








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